Retour à Séoul ou le difficile parcours d’une adoptée sud-coréenne

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Lorsque le film du réalisateur Davy Chou, Retour à Séoul, est sorti sur les écrans le 25 janvier 2023, j’ai partagé l’information sur notre compte Facebook et les réactions ont été, pour le moins, contrastées : « Excellent film ! », m’écrivait l’un de nos abonnés, « Film mal foutu, personnage de l’héroïne insupportable, bcq de longueurs, on est agacé ou on s’ennuie… », me disait un autre. L’avis du Figaro, que j’avais partagé également, tentait de réconcilier les deux extrêmes.

Pour tout dire, je n’ai pas eu le temps de voir ce film au cinéma, malgré sa nomination à Cannes en mai dans la catégorie « Un certain regard ». Quand l’éditeur m’a proposé un service de presse pour sa sortie en DVD le 4 juillet, je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais de le visionner et de me faire ma propre opinion. J’ai accepté à condition de pouvoir donner un avis sincère, ce qui a été tout de suite accepté.

L’adoption, une blessure originelle

Je n’étais pas sûre d’apprécier le film, j’avais des a priori sur l’héroïne. 

Je comprends que le personnage de Freddy, joué par l’actrice Park Ji-min, puisse en choquer plus d’un : revêche, agressive, libertaire, elle n’a pas l’intention de s’en laisser compter et mène sa vie comme elle l’entend. Elle a 25 ans, un fort besoin de s’éloigner de la France. Elle compte partir 15 jours au Japon, mais elle ne trouve pas de billet d’avion, alors elle atterrit à Séoul, faute de mieux. Réelle insouciance ou acte manqué ? Elle semble ne pas vouloir chercher ses origines, et pourtant, elle accepte bien vite de se rendre à la fondation Hammond, qui pourrait l’aider à retrouver ses parents biologiques. Elle se ment à elle-même, se met facilement en colère contre ce qu’elle vit comme une forme d’hostilité à son égard. Elle semble instable, brutale, il est facile de la trouver antipathique. Mais on sent vite combien son aplomb cache en fait une tristesse infinie, une blessure difficile à réparer. L’adoption est une histoire complexe, chaque adopté la vit à sa manière, il n’y en a ni de bonne, ni de mauvaise.

Je comprends Freddy, à qui on demande de faire tous les efforts : c’est elle qui doit apprendre la langue coréenne, c’est elle qui doit revenir vivre au pays, se marier avec un gars du coin et au final, réparer ce qui a été brisé. N’en déplaise à ceux qui la fantasment, la société coréenne est et restera encore longtemps formatée, patriarcale. Alors certes, la famille biologique de Freddy éprouve une réelle culpabilité envers la jeune fille, mais elle a peu d’égards, en la soumettant ainsi à une forte pression.

Père alcoolique, belle-mère effacée, grand-mère éplorée. Le milieu est hostile. Pas étonnant que Freddy sombre. Sexe, drogue, rencontres toxiques : long sera le chemin vers l’acceptation de son histoire. Si tant est qu’elle y arrive vraiment. Heureusement, la musique l’apaise et la réconforte. Heureusement, elle n’est pas seule.

Freddy est mal à l’aise en compagnie de son père taciturne et alcoolique, joué par l’excellent Kwang-Rok Oh. Crédits photo : Films du losange.

Un film inspiré d’une histoire vraie

Retour à Séoul est inspiré d’une histoire vraie, celle de Laure Badufle, une amie du réalisateur. Comme il l’explique dans l’un des bonus du DVD, un entretien de 30 minutes, Davy Chou a voulu prendre à contre-pied le récit qu’on attend habituellement sur l’adoption. Chacun son histoire, son ressenti : un retour aux origines est forcément complexe. En quittant le registre attendu de la tendresse, il a fait le choix d’une certaine brutalité. Il crée ainsi chez le spectateur un sentiment d’instabilité qui dérange. Oui, on aimerait que Freddy soit plus lisse, moins triste. Et pourtant, il faudra l’accepter telle qu’elle est : fragile, blessée, vacillante, sincère. C’est à cette condition que vous pourrez être touché par son histoire, comme je l’ai été.

L’adoption internationale des enfants coréens

La sortie du DVD Retour à Séoul est l’occasion d’aborder rapidement la situation des enfants sud-coréens adoptés en France et à l’étranger. Je n’entre pas dans le détail, d’autres sites le font très bien, comme Racines coréennes. Mais je pense qu’il est important de repréciser le contexte pour mieux le comprendre.

Je l’évoque dans l’article Présentation de la Corée du Sud”, mais dans les années 50, le pays ravagé par la guerre est traversé par une immense pauvreté. On estime à 100 000 le nombre d’orphelins de guerre. Dès 1952, beaucoup d’enfants, dont la majorité est métis, sont emmenés aux États-Unis par des diplomates, des militaires ou encore des volontaires. Les abandons se multiplient au cours de la décennie, et plus de 2 millions d’enfants vont être placés à l’étranger, en Amérique ou ailleurs. 

L’adoption internationale atteint son apogée dans les années 70 à 80, avec la création de nombreuses agences spécialisées. Elle a été très critiquée, du fait de pratiques contraires à l’éthique et d’un risque lié au trafic d’enfants. Avec le relèvement économique de la Corée du Sud dans les années 90, le gouvernement a favorisé l’adoption nationale, de sorte que les enfants coréens restent en contact avec leurs racines culturelles et leur langue. 

Au fur et à mesure que les personnes adoptées ont grandi à l’étranger, beaucoup ont cherché à renouer avec leur famille biologique. Des organisations ont vu le jour pour les aider dans leurs recherches et pour les accompagner au moment des retrouvailles. Mais ces adoptés internationaux sont souvent confrontés à des problèmes d’identité et d’appartenance, car ils ont grandi dans un environnement culturel différent.

Aujourd’hui, si l’adoption internationale est minoritaire, elle est toujours possible. Par exemple, la France accueille chaque année une dizaine de jeunes enfants sud-coréens dans le cadre de procédures d’adoption. Toutefois, juste retour des choses au vu du développement économique de la Corée du Sud, ce sont désormais les Coréens qui accueillent des enfants venant d’autres pays, comme la Chine, le Vietnam ou encore l’Éthiopie. 

Retour à Séoul (DVD)

Long-métrage de Davy Chou (2022)
Durée : 115 min
Avec : Ji-Min Park, Kwang-Rok Oh, Han Guka, Sun-Young Kim, Yoann Zimmer, Louis-Do De Lencquesaing
Audio : VOST DD 5.1, VOST DD 2.0, Audiodescription (pour Malvoyants) DD, sous-titrage en français.
Bonus : Entretien avec Davy Chou (30 min) – Essais et répétitions de l’actrice Park Ji-Min (29 min)
Prix : 19,99 euros.

DVD : Acheter sur Amazon
En VOD chez Prime Video


J’espère que cette critique cinématographique vous aura convaincu de regarder Retour à Séoul et vous aura sensibilisé à la question des enfants coréens adoptés à l’étranger. Laissez-nous un commentaire pour partager votre point de vue !

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